Le devin feint

On appelle grelet, un petit insecte sauteur, tout noir, ayant la forme d’une cigale et qui crie la nuit dans les cheminées ; c’est même pour cette raison que le populaire l’appelle cri-cri. Un pauvre villageois du nom de Grelet, voulant s’offrir bonne chère, eut l’idée de se faire passer pour devin. Son premier soin fut d’exiger de ceux qui avaient recours à son art, qu’ils lui servissent pendant trois jours, trois repas ne durant pas moins chacun de douze ou quatorze heures, quitte à subir ensuite, sa supercherie découverte, les pires tourments, voire la mort. Une dame de qualité ayant perdu un diamant de grand prix le fit appeler. Elle ordonna qu’on lui donnât d’abord tout ce qu’il désirait. Or, la pierre précieuse avait été volée par trois laquais dont l’un fut chargé de servir à Grelet son premier repas. Le soir, celui–ci faisant allusion à ce festin murmura :
« Dieu merci ! En voilà déjà un de pris ! »
Le voleur se crut découvert et avertit ses compagnons. Le second et le troisième jour, le service fut fait respectivement par les deux autres laquais. Grelet ayant continué ses réflexions devant chacun d’eux :
« Dieu merci ! En voilà deux ! Dieu merci ! En voilà trois ! » , les voleurs ne doutèrent plus qu’ils fussent découverts. Ils se jetèrent aux pieds du rustre et lui avouèrent toutes les circonstances dans lesquelles ils avaient accompli leur larcin. Grelet se fit remettre le diamant et inventa une histoire pour ne pas accuser les laquais. La dame, enchantée de rentrer dans son bien, complimenta le devin, mais son mari, revenu de voyage, ne fut pas dupe du stratagème et, voulant éprouver Grelet, il lui présenta sans que celui–ci s’en doutât un grelet entre deux plats, menaçant de lui faire couper les oreilles et donner cinq cents coups d’étrivières s’il ne devinait pas.
Le manant, se croyant découvert, d’autant que ce seigneur lui avait laissé entendre qu’il savait toute la vérité, s’écria : « Hélas ! pauvre grelet, te voilà pris ! »
Comme le seigneur ignorait le nom du villageois, il crut réellement qu’il était devin et le combla aussitôt d’or et de présents.
LE METEL


30/04/2007
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